Apprendre dans un monde qui se réchauffe : comment le changement climatique transforme l’éducation au Bangladesh et au Nigéria

Comment le changement climatique perturbe l’éducation dans les pays vulnérables et pourquoi l’éducation climatique doit faire partie de la réponse des pays à la crise climatique.

11 septembre 2025 par Md. Redwan Jakir, et Lauritta Boniface
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Samira, 9 ans, et Rojina, 8 ans, dans un centre d'apprentissage soutenu par l'UNICEF, situé au camp 8 du site d'extension de Kutupalong-Balukhali, à Ukhiya, Cox's Bazar, au Bangladesh. Crédit : UNICEF/UN0336425/Sujan

Samira, 9 ans, et Rojina, 8 ans, dans un centre d'apprentissage soutenu par l'UNICEF, situé au camp 8 du site d'extension de Kutupalong-Balukhali, à Ukhiya, Cox's Bazar, au Bangladesh. Le centre d'apprentissage est quasiment inondé par les fortes pluies de la mousson.

Credit: UNICEF/UN0336425/Sujan

La crise climatique bouleverse l'éducation dans le monde entier, et particulièrement dans les pays vulnérables comme le Bangladesh.

Dans ce blog, Mohammed Redwan Jakir, jeune leader du GPE, décrit comment la chaleur extrême, les inondations et les cyclones viennent interrompre la scolarité des élèves au Bangladesh.

Mais le Bangladesh est loin d’être le seul pays concerné : au Nigéria, Lauritta Boniface, autre jeune leader, démontre comment l’éducation au changement climatique peut donner aux jeunes les moyens de s’adapter et de devenir des acteurs du changement.

Ensemble, leurs témoignages rappellent combien il est essentiel d’intégrer l’éducation au changement climatique dans la réponse de chaque pays à la crise climatique.

Md. Redwan Jakir, Bangladesh

Md. Redwan Jakir, Bangladesh

Mohammed Redwan Jakir - Membre de Teach For Bangladesh et jeune leader du GPE

J'enseigne dans une école publique défavorisée au Bangladesh, et je constate à quel point le changement climatique pénalise davantage les élèves les plus vulnérables pour accéder à un enseignement de qualité.

En 2024, le Bangladesh a été confronté à l’une des pires crises climatiques de son histoire récente. Des inondations dévastatrices, cyclones et vagues de chaleur extrêmes ont non seulement détruit les récoltes et les habitations, mais aussi perturbé la scolarité de millions d'enfants.

Le changement climatique est aujourd’hui plus visible que jamais, avec des températures en hausse et des vagues de chaleur plus fréquentes.

En juin, la chaleur a dépassé 42 °C dans les salles de classe, obligeant le gouvernement à fermer toutes les écoles primaires et secondaires.

Cette décision, prise pour protéger la santé des élèves, a toutefois entraîné plusieurs semaines de pertes d’apprentissage, surtout pour ceux qui n’ont pas accès à l’éducation en ligne.

En août 2024, de graves inondations ont frappé les terres basses du Bangladesh, notamment Chattogram, Feni, Cumilla et Khagrachari. De nombreuses écoles ont servi d'abris temporaires pour les victimes des inondations, interrompant les cours et endommageant les infrastructures.

Des milliers d'élèves, en particulier ceux vivant dans les régions les plus reculées, ont perdu un temps d’apprentissage précieux et se sont retrouvés sans manuels scolaires ni supports pédagogiques.

En novembre, le cyclone Remal a balayé la zone côtière, provoquant de nouveaux déplacements de familles et obligeant d'autres écoles à fermer. Ces catastrophes successives ont aggravé les inégalités existantes dans le système éducatif bangladais, en particulier pour les élèves des régions reculées ou défavorisées.

Au sein de ma communauté scolaire à Dhaka, j'ai mené des initiatives locales d'éducation au changement climatique et de sensibilisation au climat en organisant des sessions destinées aux élèves, parents et enseignants.

Mes élèves et moi avons planté des arbres, mis en place des systèmes de gestion des déchets à faible coût et organisé une foire sur le thème du climat réunissant différentes parties prenantes.

Les élèves y ont vendu leurs produits recyclés et exposé leurs peintures sur le changement climatique. L'une de nos campagnes scolaires, Green Currency (monnaie verte), a incité les élèves à recueillir les déchets plastiques auprès des membres de la communauté en échange de jeunes arbres.

En tant qu'enseignant, j'intègre les concepts liés au changement climatique dans mes cours de mathématiques et de sciences afin que les élèves puissent mettre en pratique ce qu'ils apprennent. L'objectif est de favoriser un leadership local pour inciter les élèves à devenir des agents de la résilience climatique dans leurs communautés.

Malgré l'urgence de la crise, le programme scolaire du Bangladesh intègre encore très peu l’éducation au changement climatique. Si les manuels de sciences et de géographie font parfois référence à l'environnement, il s’agit de mentions isolées qui ne débouchent pas sur des actions concrètes.

La plupart des enseignants ne sont pas formés aux questions climatiques, ayant pour conséquence des élèves mal préparés à un avenir de plus en plus instable sur le plan environnemental.

La politique nationale en matière d'éducation de 2010, qui régit actuellement le secteur de l'éducation au Bangladesh, aborde brièvement la question de la sensibilisation au climat, mais des mesures plus approfondies, structurées et orientées vers l'action sont nécessaires pour qu'une éducation au changement climatique soit mise en place dans tout le pays.

L'éducation au changement climatique doit être au cœur du processus de réforme du programme scolaire bangladais. Cela suppose d’intégrer les concepts liés au climat dans toutes les matières, de mettre l’accent sur l'apprentissage par projet et de former systématiquement les enseignants.

Le Bangladesh s'est déjà engagé dans plusieurs cadres mondiaux, notamment l'Action pour l'autonomisation climatique de la CCNUCC, la Feuille de route 2030 pour l'Éducation au développement durable de l'UNESCO et l'Article 12 de l'Accord de Paris. Ces engagements forts doivent désormais se traduire en actions concrètes sur le terrain.

Pour y parvenir, les financements climatiques doivent appuyer une stratégie nationale d’éducation au changement climatique, des infrastructures scolaires résilientes, la formation des enseignants — notamment en zones défavorisées — et des projets pilotes à l’échelle communautaire.

Le soutien apporté par le GPE dans le cadre de son initiative pour des systèmes éducatifs intégrant le climat , grâce à un appui technique ciblé en est un bon exemple. Il permettra au Bangladesh d’intégrer la résilience au changement climatique dans ces domaines prioritaires.

En tant que membre de Teach For Bangladesh et jeune leader, j'ai pu constater sur le terrain à quel point la sensibilisation au climat a le pouvoir de transformer les mentalités dans les salles de classe.

Dans le cadre d'un cours sur la gestion des déchets, j'ai demandé à mes élèves s'ils avaient déjà vu des décharges sauvages près de chez eux. Ils m'ont alors emmené près de ces zones et nous avons observé les modes d'élimination des déchets sur différents sites, tout en gardant une distance de sécurité.

Lorsque mes élèves ont ainsi étudié les systèmes locaux de gestion des déchets, analysé l'impact des polluants et organisé des campagnes de sensibilisation, ils ont dépassé le stade de l’apprentissage.

Ils sont devenus des acteurs de changement au sein de leurs communautés et ont pris conscience qu'ils avaient les moyens d'agir pour lutter contre la crise climatique.

Les enfants sont à la fois notre présent et notre avenir.

Renforcer leur sensibilisation et leur capacité d'action est le moyen le plus durable de bâtir la résilience climatique, au même titre que le développement des capacités des gouvernements pour atténuer les effets du changement climatique sur la vie et l'éducation des enfants.

En investissant de manière judicieuse et équitable, nous pouvons faire en sorte qu'aucun enfant ne soit laissé pour compte en raison de phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes.

Prise de vue par drone d'élèves et d'un enseignant revenant de l'école dans l'État d'Ikyogen Benue, au Nigéria. Crédit : Pem Musa/Save the Children

Prise de vue par drone d'élèves et d'un enseignant revenant de l'école dans l'État d'Ikyogen Benue, au Nigéria.

Credit:
Pem Musa/Save the Children

Tout comme au Bangladesh, les enfants du Nigéria sont privés d'éducation à mesure que les effets du changement climatique s'aggravent. Mais Lauritta se mobilise.

Grâce à son organisation dirigée par des jeunes, Ecocykle, elle rend l'éducation au changement climatique ludique, concrète et inclusive, par le biais de jeux, d'excursions et de formations professionnelles pour les jeunes défavorisés.

Son action montre comment l'éducation peut transformer les victimes du changement climatique en leaders engagés.

Lauritta Boniface, Nigeria

Lauritta Boniface, Nigeria

Lauritta Boniface - Directrice exécutive d'Ecocykle et jeune leader du GPE

Le changement climatique n'est pas seulement une crise environnementale, c'est aussi un défi pour l'éducation.

Alors que la planète mène une course contre la montre pour réduire les émissions et protéger les communautés vulnérables, les menaces ne cessent de s'intensifier et, au Nigéria, elles entraînent des conséquences mortelles.

Les récentes inondations dans la communauté de Mokwa, au Niger, ont déplacé plus de 50 000 personnes. La sensibilisation et l'éducation restent des leviers essentiels pour lutter contre le changement climatique et bâtir un avenir durable.

Dans de nombreuses régions du Nigéria, les connaissances sur le climat sont encore limitées, en particulier chez les jeunes, qui sont à la fois les plus touchés et les plus à même de faire évoluer les choses, constituant la majorité de la population nigériane.

C'est là qu'intervient mon organisation Ecocykle.

Les inondations, la déforestation et les vagues de chaleur ne cessent de s'aggraver. Sans une éducation accessible pour expliquer et faire face à ces changements, les communautés restent démunies.

L'éducation permet aux jeunes de comprendre la science du climat, d'en reconnaître les impacts locaux, d'innover en matière de solutions durables et de militer pour le changement.

C'est pourquoi il est impératif de prendre conscience du lien qui existe entre le changement climatique et l'éducation, et c'est pourquoi mon projet place l'éducation au cœur de sa stratégie d'action climatique.

Ma solution ? Une éducation ludique, créative, inclusive et axée sur l'action climatique.

En tant que directrice exécutive d'Ecocykle, une organisation nigériane engagée pour le climat et dirigée par des jeunes, je propose une approche interactive et locale de l'éducation environnementale.

En combinant jeu, enseignement et actions concrètes, Ecocykle sensibilise les enfants et les communautés défavorisées grâce à des outils qui rendent la science du climat à la fois engageante et responsabilisante.

Play, Learn and Act Now” (PLAN)

Jeu de carte "Play, Learn and Act Now” (PLAN).

En 2023, Ecocykle a lancé son jeu de cartes Play, Learn and Act Now (PLAN) (Jouer, Apprendre et Agir maintenant), qui se base sur des images et des solutions pour enseigner les questions climatiques de manière ludique et interactive.

Nous proposons des cartes visuelles sur les problématiques climatiques (comme les inondations ou les déchets), associées à des cartes-solution (comme le reboisement ou le recyclage), ainsi que des cartes-lettres/chiffres pour développer les compétences de résolution de problèmes et de langage.

Le jeu PLAN est désormais présent dans 100 écoles, et 11 pays (8 en Afrique et 3 dans le reste du monde), et a même été approuvé par le ministère de l'Environnement du gouvernement fédéral nigérian.

Ecocykle

Chaque année depuis 2023, à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, Ecocykle organise dans l'État de Benue, au Nigéria, une tournée climatique des jeunes au cours de laquelle les élèves visitent des installations de recyclage et des sites pollués.

Ces expériences de terrain aident les élèves à faire le lien entre les cours qu'ils suivent et les conséquences sur le monde réel, ainsi que les solutions communautaires existantes. Cette approche leur permet d'approfondir leurs connaissances et de les inciter à agir.

Grâce à notre initiative OYA Recycle, nous formons des jeunes non scolarisés et vivant dans des communautés aux ressources limitées à transformer les déchets plastiques en briques écologiques et en produits commercialisables.

Cette approche fait de l’éducation au climat une expérience à la fois concrète et transformatrice, allant bien au-delà de la théorie.

La justice climatique doit être inclusive. C'est pourquoi notre partenariat avec l'initiative YieldUp Development a mis au point des programmes éducatifs spéciaux sur le climat destinés aux élèves en situation de handicap.

Grâce à des jeux accessibles et des outils interactifs, ces sessions garantissent que personne n'est exclu de l'apprentissage sur le climat et que chacun peut devenir un leader en la matière.

Notre action ne se limite pas aux écoles : nous organisons des ateliers de renforcement des capacités communautaires, nous encadrons de jeunes militants pour le climat par le biais du Climate Innovators Lab, nous collaborons avec les gouvernements locaux sur les politiques de développement durable et nous aidons les femmes et les groupes marginalisés à mener des actions environnementales.

Cette approche holistique garantit que l’éducation environnementale contribue à éveiller les consciences tout en favorisant un changement durable et inclusif.

Verdure entourant des maisons dans la communauté d'Ugugu au Nigéria. Crédit : Pem Musa/Save the Children

Verdure entourant des maisons dans la communauté d'Ugugu au Nigéria.

Credit:
Pem Musa/Save the Children

Le changement climatique creuse les inégalités en matière d'éducation, mais il peut également être un catalyseur de transformation.

Les actions de Redwan et Lauritta démontrent que lorsque les jeunes bénéficient d’une éducation au changement climatique, ils deviennent moteurs de solutions.

Les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent soutenir ces efforts en investissant dans des écoles résilientes au changement climatique, en formant les enseignants et en intégrant le changement climatique dans les programmes scolaires.

Il est temps d'agir, car les enfants ne sont pas seulement les premières victimes du changement climatique : ils sont aussi la clé d'un avenir plus durable.

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