Bangladesh : doter les jeunes non scolarisés de compétences professionnelles

<p>Le Bangladesh munit ses jeunes les plus vulnérables de compétences pratiques qui leur ouvrent les portes d'un avenir meilleur. Avec le soutien du GPE et de l'UNICEF, des milliers d'adolescents non scolarisés acquièrent les outils dont ils ont besoin pour accéder à un emploi et réussir pleinement.</p>

Bangladesh : doter les jeunes non scolarisés de compétences professionnelles

An instructor leads a technical course on automotive mechanics at Cox’s Bazar Technical School and College. This training is supported by UNICEF and funded by GPE. Credit: UNICEF/Bangladesh/2024/Rahman
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Points clés

  • À Cox's Bazar, qui abrite le plus grand camp de réfugiés au monde, près de 50 % des jeunes en âge de fréquenter le secondaire ne sont pas scolarisés.
  • Avec le soutien du GPE et de l'UNICEF, le Bangladesh élargit l'accès à une éducation de qualité et au développement des compétences pour les enfants réfugiés et ceux des communautés d'accueil.
  • Un programme d'alphabétisation axé sur les compétences a permis à 6 825 jeunes non scolarisés de la communauté d'accueil d'acquérir des compétences leur permettant de trouver un emploi dans des secteurs à forte croissance.
Carte du Bangladesh

Cet article a été rédigé en collaboration avec l'UNICEF.

Kutub Uddin

« Comme j'étais frustré et que je n’avais rien à faire la plupart du temps, je me suis mis à fréquenter des garçons qui avaient pris de mauvaises habitudes. J'ai pris conscience que ces habitudes allaient non seulement me détruire, mais aussi déshonorer ma famille. Lors de cette prise conscience, j'ai cherché désespérément une issue et j'ai décidé de m'engager dans quelque chose de productif. »

Kutub Uddin
Diplômé de la formation professionnelle

Kutub est un jeune garçon de 17 ans originaire de Haldia Palang, dans le sous-district d'Ukhia, à Cox's Bazar, au Bangladesh. Il a dû abandonner l'école en 8e année en 2023 en raison des difficultés financières de sa famille.

Le père de Kutub gagnait sa vie en conduisant un tricycle motorisé (un petit véhicule à moteur utilisé pour le transport public ou privé). Mais, il a été victime d'un accident ayant entraîné une blessure à la colonne vertébrale, réduisant ainsi ses capacités de travail.

Sa mère, quant à elle, est femme au foyer, tandis que son frère aîné officie en tant qu'imam dans la mosquée voisine, percevant un revenu modeste pour subvenir aux besoins de la famille.

Faute de pouvoir payer ses frais de scolarité, Kutub a abandonné l’école et s’est rapidement retrouvé pris dans un cercle vicieux de frustration et de mauvaises fréquentations. Il s’est tourné vers la drogue, ce qui a conduit les membres de sa communauté à s'éloigner de lui.

Prenant conscience qu’il devait reprendre sa vie en main, Kutub a compris qu’il était temps de changer.

Une opportunité à saisir

En 2024, Kutub a entendu parler par un ami d'un programme permettant aux jeunes qui avaient abandonné l’école, d'apprendre gratuitement un métier pendant six mois.

Le programme Skills-Focused Literacy for Out-of-School Adolescents (SKILFO) (Alphabétisation axée sur les compétences pour les adolescents non scolarisés) mis en œuvre par le Bureau de l'éducation non formelle du gouvernement du Bangladesh, avec le soutien financier du GPE et l'appui technique de l'UNICEF, offre une seconde chance aux jeunes non scolarisés âgés de 14 à 18 ans.

Les participants acquièrent des compétences en lecture, écriture, calcul, ainsi que des aptitudes à la vie quotidienne et des compétences professionnelles.

Le programme propose les tout premiers cours préprofessionnels standardisés dans des secteurs à forte croissance tels que les technologies de l'information, l'hôtellerie, l'ingénierie légère et la construction.

  • Des élèves reçoivent des instructions pratiques du directeur du Technical School and College de Cox's Bazar pendant un cours sur l'installation et la maintenance électriques.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2024/ Rahman

  • Nazmul (15 ans) et Raihan (14 ans) travaillent dans une entreprise appelée Cox Refrigeration. Ils ont suivi et terminé une formation en entreprise sur la réfrigération et la climatisation.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2024/Rahman

Sans hésiter, Kutub s'est inscrit au cours de réfrigération et de climatisation proposé par le Bureau de l'éducation non formelle dans les locaux de la madrasa de Rumkha (un établissement d'enseignement islamique).

« Cette formation m'a beaucoup aidé à adopter une vie plus disciplinée, à apprendre de nouvelles choses et à voir les choses sous un angle plus concret », explique Kutub. Il a choisi ce métier car il estimait qu'il offrait de meilleures perspectives d'emploi et qu'il y avait peu de personnes qualifiées dans ce domaine.

Doué pour l'électronique, il a réussi sa formation et, une fois son diplôme en poche, a été embauché dans l'atelier de réparation Singer comme technicien en climatisation à Court Bazar, au cœur d’Haldia Palang.

Kutub travaille en moyenne quatre jours par semaine et gagne environ 5 000 takas (environ 41 dollars américains) par mois : « Ce n'est pas beaucoup, mais c'est un bon début. Après avoir couvert mes propres dépenses, je peux désormais verser une petite somme à ma famille. »

  • Kutub (17 ans) dans un centre de formation d’Haldia Palang, à Cox's Bazar, où il apprend à réparer des systèmes de climatisation et de réfrigération.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2025/Satu

  • Abu (17 ans) et Shakibul (15 ans) suivent une formation pratique dans le cadre d'un cours sur la réfrigération et la climatisation à la madrasa Rumkha Palong Islamia Alim.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2024/Rahman

Son formateur, Ashraful Haque Arif, a déclaré : « Il a un potentiel de croissance illimité, car il est très motivé et apprend vite. »

Il a ajouté que Kutub a reçu une formation de base, mais qu'avec davantage d'expérience professionnelle et une formation plus poussée, il pourra atteindre de nouveaux sommets.

Kutub se promène désormais dans son quartier la tête haute, et tous le considèrent comme un exemple à suivre.

Il partage ses objectifs pour l'avenir : « Je veux apprendre davantage, puis suivre une formation avancée afin de pouvoir travailler dans une grande entreprise ou créer ma propre société. »

Des formations pratiques pour une variété de centres d’intérêt

Les cours d'alphabétisation axés sur les compétences préparent les étudiants à des emplois dans divers secteurs.

Les formations les plus populaires sont la couture et la confection de vêtements, l’informatique (création d’applications et graphisme) et l’installation et la maintenance électriques.

D'autres cours sont proposés, notamment : l’électronique grand public, la réparation de téléphones portables, la plomberie et la tuyauterie, la réfrigération et la climatisation, la mécanique automobile, la maçonnerie et le ferraillage, la fabrication en aluminium, la restauration, les soins esthétiques et la gestion de l’accueil.

Pour Shama, 17 ans, la voie vers un emploi a été la formation de six mois en restauration et gestion dispensée par le Polytechnic Institute (Institut polytechnique) de Cox's Bazar.

Shama, 17 ans, travaille au restaurant Shalik à Cox's Bazar, la destination touristique la plus populaire du Bangladesh. Crédit : UNICEF/Bangladesh/2025/Satu

Shama, 17 ans, travaille au restaurant Shalik à Cox's Bazar, la destination touristique la plus populaire du Bangladesh.

Credit:
UNICEF/Bangladesh/2025/Satu

Shama est originaire d'un village isolé du district de Banderban, au nord de Cox's Bazar. Elle vient d'une famille autochtone composée de deux frères, trois sœurs et leur mère.

Shama a dû abandonner l'école en 7e année après le décès de son père, qui a laissé sa famille dans une grande précarité et criblée de dettes.

Ils survivaient à peine dans leur village isolé grâce à la culture « joom » ou culture sur brûlis, une méthode agricole traditionnelle des régions montagneuses du Bangladesh.

De plus, la communauté les méprisait et se moquait systématiquement d'eux en raison de leur pauvreté et de leur incapacité à rembourser leurs dettes.

Un jour, Shama a rencontré quelqu'un à un stand de thé du village qui lui a parlé du programme d'alphabétisation axé sur les compétences et l'a mise en contact avec un assistant de suivi sur le terrain du programme pour obtenir plus d'informations.

Après avoir discuté de cette opportunité avec sa famille, elle a réussi la formation en restauration et a obtenu un emploi au Shalik, un restaurant de Cox's Bazar.

Elle y travaille de 14 h à 22 h, parfois même plus, selon l'affluence, et gagne environ 7 000 takas (environ 58 dollars) par mois. De plus, son employeur lui fournit gratuitement le gîte et le couvert.

Très satisfait de ses performances, son employeur a promu Shama au poste de serveuse junior. « Cela fait très longtemps que je travaille dans ce restaurant, mais j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi travailleur et honnête que Shama », raconte Mehedi Hasan, manager général adjoint du Shalik.

La sœur de Shama, Rani (18 ans), a suivi la même formation et travaille à ses côtés dans le même restaurant, pour le même salaire.

Grâce aux revenus combinés des deux sœurs, la famille vit beaucoup mieux. Leur petite sœur peut désormais aller à l'école et elles remboursent progressivement les dettes accumulées par leur père.

Les membres de leur communauté, qui les méprisaient autrefois, les considèrent désormais comme des modèles à suivre.

  • Riduwanul (18 ans) travaille au restaurant Shalik à Cox's Bazar après avoir suivi une formation en entreprise dispensée au restaurant Shalik et gérée par l’institut polytechnique de Cox's Bazar.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2024/Rahman

  • Des élèves apprenant à réparer des téléphones portables au Technical School & College de Cox's Bazar sous la houlette du formateur Mahamudul Karim.
    Crédit : UNICEF/Bangladesh/2024/Rahman

Éducation et développement des compétences en contexte de crise humanitaire

Cox's Bazar est une ville côtière du sud-est du Bangladesh, située à quelques kilomètres de la frontière avec le Myanmar.

Depuis 2017, environ un million de membres de la communauté rohingya y ont trouvé refuge dans des camps répartis dans tout le district. Plus de la moitié sont des enfants. Il s'agit du plus grand camp de personnes déplacées de force au monde.

Depuis l'afflux massif de réfugiés, le GPE aide le Bangladesh à faire face à cette crise humanitaire. Un financement de 8,3 millions de dollars pour la période 2018-2022 a permis de donner à 76 000 enfants vivant à Cox's Bazar un accès immédiat à des possibilités d'apprentissage équitables.

Le financement de 10,7 millions de dollars accordé par le GPE pour la période 2023-2025 contribue à soutenir et à accélérer les efforts du gouvernement pour garantir que les enfants réfugiés et ceux des communautés d'accueil aient accès à une éducation de qualité et au développement des compétences.

Dans les camps de réfugiés, 43 671 enfants en âge d'être au primaire et 3 434 en âge d’être au secondaire ont bénéficié d'opportunités d'apprentissage, et plus de 5 000 adolescents ont suivi des formations professionnelles.

Dans les communautés d'accueil, 6 825 adolescents non scolarisés ont participé à des cours axés sur les compétences et beaucoup, comme Kutub et Shama, exercent désormais des activités génératrices de revenus.

Le programme a également formé près de 400 formateurs et enseignants institutionnels et 1 240 maîtres artisans (propriétaires d'ateliers / d'entreprises) pour animer les formations.

Le succès du programme a conduit à une extension à l'échelle nationale de la formation en alphabétisation axée sur les compétences pour les adolescents non scolarisés dans tout le Bangladesh.

Sur la base de ce qui fonctionne, le gouvernement et ses partenaires élargissent l'accès à une éducation de qualité et au développement des compétences, préparant ainsi les jeunes à devenir des membres productifs de la société.

Pour des jeunes comme Kutub et Shama, l'apprentissage d'un métier a été transformateur, démontrant qu'avec un soutien adéquat, même les circonstances les plus difficiles peuvent ouvrir la voie à un avenir prometteur.

Avril 2025