Au Guatemala, le numérique crée des opportunités pour les jeunes, un clic après l’autre

<p>Avec l’aide du ministère de l’Éducation, du GPE, de l’UNICEF et des collectivités locales, 34 espaces numériques d’apprentissage proposent des formations aux technologies, aux compétences numériques et des cours particuliers dans les communautés défavorisées du Guatemala.</p>

Au Guatemala, le numérique crée des opportunités pour les jeunes, un clic après l’autre

Digital learning opens doors for Guatemalan youth, one click at a time
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Points clés

  • À Huehuetenango, où l’accès à l’éducation est faible et où l’émigration constitue souvent une perspective pour les jeunes, les espaces numériques d’apprentissage permettent à des élèves comme Meybelin d’acquérir les compétences nécessaires pour envisager un avenir épanouissant sans avoir à quitter leur pays.
  • Avec l’aide du ministère de l’Éducation, du GPE, de l’UNICEF et des collectivités locales, 34 espaces numériques d’apprentissage proposent des formations aux technologies, aux compétences numériques et des cours particuliers dans les communautés défavorisées du Guatemala.
  • En aidant les jeunes à développer leurs compétences numériques et en leur apprenant à utiliser la technologie dans un espace sûr, les espaces numériques d’apprentissage offrent de nouvelles perspectives d’opportunités économiques. Ils contribuent ainsi à transformer le parcours de vie d’enfants qui, auparavant, n’envisageaient leur avenir qu’à l’étranger.
Guatemala

Cet article a été rédigé en collaboration avec UNICEF Guatemala.

Sur les hauts plateaux de Huehuetenango, l’un des départements du Guatemala les plus touchés par l’émigration et les difficultés liées à l’éducation, la brume matinale recouvre les chemins de terre sinueux et les maisons de brique aux toits de tôle nichées entre les plantations de café et les collines.

La pauvreté et le manque d’opportunités éducatives façonnent le quotidien des habitants. Beaucoup voient leur futur loin de la maison : vers d’autres frontières, d’autres pays.

Huehuetenango est l’un des deux départements du Guatemala enregistrant les taux d’émigration vers les États-Unis les plus élevés, témoignant ainsi des défis sociaux et économiques auxquels les habitants font face.

Quand l’école devient inaccessible

Au niveau de l’éducation de base, on estime que 523 696 enfants âgés de 13 à 15 ans se trouvent actuellement en dehors du système scolaire : ils ont soit quitté l’école, soit pris du retard ou n’ont jamais été scolarisés.

La transition entre le primaire et le secondaire demeure particulièrement difficile : seuls 3 élèves sur 10 ayant achevé leur 6e année continuent en 7e année. Les chiffres sont encore plus faibles pour les filles.

Dans les communautés où l’accès à l’éducation est fragile et où l’émigration est perçue comme la seule voie d’avenir, le fait de rester à l’école peut s’apparenter à un acte de résistance silencieuse.

À la rencontre de Meybelin

Pour Meybelin Yesenia Cobox Urízar, âgée de 11 ans et actuellement en 6e année, aller à l’école signifie bien plus qu’être présente en classe : c’est une chance d’apprendre, d’acquérir des compétences numériques et d’avancer petit à petit vers ses rêves.

« Je rêve de construire une maison pour ma maman », dit-elle, déterminée. Elle souhaite aussi devenir vétérinaire.

Meybelin

« J’ai un chat qui s’appelle Daisy. Je n’aime pas la manière dont les gens traitent les chats et les chiens, ici. Je veux les aider. »

Meybelin

Tous les lundis, après avoir passé la matinée à l’école, Meybelin retrouve sa mère et elles marchent une demi-heure ou, si possible, elles prennent le bus, pour aller au centre d’apprentissage virtuel local.

Meybelin y expérimente quelque chose de nouveau pour elle : une initiation concrète à la technologie.

Meybelin Cat

« J’apprends à utiliser un ordinateur, à taper au clavier. Ce sera très utile quand je serai vétérinaire. »

Elle espère qu’un jour, elle pourra utiliser ses compétences numériques pour participer à la recherche de traitement pour les animaux et pour apporter des outils modernes à sa communauté.

Erick

« Le premier jour, j’étais si contente : je n’avais jamais utilisé d’ordinateur », ajoute-t-elle en souriant. « Maintenant, j’apprends à taper au clavier et à écrire. Et les enseignants sont si gentils ! C’est ce que je préfère. »

Alors que de nombreux jeunes rêvent d’émigrer aux États-Unis, les rêves de Meybelin demeurent ancrés au Guatemala.

meybelin-grandmother-cook

« Je n’ai pas envie d’aller aux États-Unis ou dans un autre pays. J’aime Huehuetenango. La nourriture est délicieuse et j’aime nos écoles. » dit-elle.

Elle a été témoin des conséquences de l’émigration sur les familles : « Je vois des parents qui laissent leurs enfants ici, et les enfants sont tristes. »

Elle souhaite voir les choses évoluer : « S’il y avait plus d’emplois, moins de violence et moins de mauvais traitements, les enfants n’auraient pas l’impression qu’ils sont obligés de partir. » Et elle a un message à transmettre : « Continuez d’étudier. Accrochez-vous à vos rêves. »

Meybelin walks with her mother, Yesenia, to the Virtual Learning Environment.
Eleven-year-old Meybelin Yesenia Cobox Urizar does her homework with her cousin Abdiel at their home in the hills of Huehuetenango City, Guatemala.

Meybelin fait ses devoirs avec son cousin Abdiel devant leur maison.

À la rencontre de la famille de Meybelin

Meybelin's grandmother, Nohemi, holds a picture of her mother, who lives in the US.

Dans la petite maison à flanc de colline où Meybelin vit avec ses parents, sa grand-mère, son oncle, sa tante et son cousin, ses rêves sont ancrés dans des efforts familiaux plus vastes, dans l’amour, les sacrifices et l’espoir d’un avenir meilleur.

Comme beaucoup d’autres dans la région, l’histoire de la famille est marquée par l’émigration. Des proches sont partis à l’étranger à la recherche d’opportunités qu’ils pensaient inatteignables à Huehuetenango. Yesenia, la mère de Meybelin, a déjà envisagé de partir, elle aussi.

« Je voulais offrir un meilleur futur à Meybelin. Je savais que j’aurais plus d’opportunités aux États-Unis. Ici, je peux seulement être femme de ménage, car je n’ai pas fait d’études. »

Ayant elle-même grandi avec peu d’opportunités, Yesenia considère l’éducation comme la chance permettant à sa fille de rompre le cycle.

« Si elle n’étudie pas, elle ne pourra avoir un bon emploi, et c’est ce qui est important. L’éducation la rendra libre. Je ne veux pas qu’elle dépende de qui que ce soit, pas même d’un mari, si les choses ne se passent pas comme prévu. »

Nohemi, la grand-mère de Meybelin et véritable guide pour la famille, l’exprime ainsi :

Meybelin's grandmother, Nohemi

« L’éducation est cruciale. Si tu étudies, tu as de meilleures opportunités. Si tu n’étudies pas, tu es coincé. Tu prends le travail que tu trouves, comme le travail domestique ou le commerce de rue. L’éducation permet d’ouvrir d’autres portes. Je dis toujours à mes neuf petits enfants qu’ils doivent étudier, car sans éducation, il n’y a pas de futur. »

Nohemi
La grand-mère de Meybelin

Nohemi explique concrètement les difficultés de la région :

« Si tu ne termines pas tes études, tu peux finir par être ouvrier et gagner 50 quetzals par jour » (soit environ 6,50 USD). « On ne va pas très loin, avec ça. Une livre de pommes de terre coûte 7 quetzals (0,90 USD), les tomates en coûtent 6 (0,78 USD). Certaines familles ne possèdent pas de terres et doivent payer un loyer. C’est pour cela que les gens émigrent. Ce n’est pas pour le luxe, mais seulement pour répondre à leurs besoins de base : avoir un toit et à manger. »

Elle ajoute que le centre d’apprentissage numérique ouvre d’autres portes. « Ça aide beaucoup. Les enfants peuvent apprendre à taper, à imprimer, et même à découvrir comment gagner de l’argent grâce à un ordinateur. Certains ont déjà obtenu un emploi grâce au centre. »

Meybelin
Eleven-year-old Meybelin Yesenia Cobox Urizar with her Father Cesilio and her mother, Yesenia bear their home in the hills of Huehuetenango City, Guatemala

Meybelin avec son père Cesilio et sa mère, Yesenia.

Eleven-year-old Meybelin Yesenia Cobox Urizar (front left) with her mother, Yesenia (behind her), her grandmother Nohemi, and her cousin Abdiel at their home in the hills of Huehuetenango City, Guatemala

Meybelin (devant à gauche) avec sa mère, Yesenia (derrière elle), sa grand-mère Nohemi et son cousin Abdiel.

Meybelin does her school homework while her grandmother Nohemi Valdez cooks a snack in the family's home in the hills of Huehuetenango City, Guatemala.

Meybelin fait ses devoirs d'école pendant que sa grand-mère Nohemi Valdez prépare un goûter dans la maison familiale.

À la rencontre de l’enseignant de Meybelin

Meet Meybelin’s teacher

À l’espace numérique d’apprentissage de Huehuetenango, Erick Orrego, formateur principal, guide les premiers pas des élèves avec la technologie. Si beaucoup sont hésitants au début, ils finissent par prendre confiance.

« Quand les élèves arrivent, ils sont timides et ont peur de casser quelque chose », affirme-t-il. « Certains n’ont jamais touché d’ordinateur. Ils ne savent pas comment l’allumer. Ce que je fais en premier, c’est les aider à ne plus avoir peur. »

Chaque semaine, Erick dispense des cours à plusieurs groupes et alterne entre l’utilisation basique d’un ordinateur, la navigation sur Internet, et l’utilisation de Word et d’Excel.

Ces cours hebdomadaires durent 3 à 4 heures et accueillent actuellement environ 120 élèves. « Quand nous avons ouvert en octobre 2024, nous avions à peine 20 élèves. Maintenant, la salle de classe est remplie, et l’intérêt pour ce que l’on fait augmente. »

Selon Eric, le fait que l’accès au centre soit gratuit change tout. « À Huehuetenango, il y a des établissements qui dispensent un enseignement informatique, mais ils coûtent cher. Nous avons le premier espace gratuit où les enfants peuvent réellement apprendre. »

Il ajoute que les jeunes apprennent bien plus que des compétences techniques : « Apprendre à utiliser Excel, par exemple, peut ouvrir la porte à des emplois dans les entreprises locales. Ces outils aident les jeunes à travailler de manière plus efficace, même dans l’agriculture, ou à lancer leur propre entreprise. »

Parmi les élèves, une sort du lot : Meybelin.

« Elle est vraiment spéciale », ajoute Erick en souriant. « Elle est venue avec sa mère, et était très motivée. Elle est toujours positive, elle participe. Au début, elle était un peu timide, mais maintenant elle fait partie des élèves les plus engagés. Elle encourage même les autres à continuer à apprendre. »

Le pouvoir des espaces numériques d’apprentissage

Seuls 10,4 % des bâtiments scolaires du Guatemala disposent des infrastructures et de la technologie nécessaires pour pouvoir enseigner le numérique.

Afin de pallier cette insuffisance, 34 espaces numériques d’apprentissage ont été mis en place dans 17 départements offrant ainsi un meilleur accès aux technologies et de nouvelles opportunités aux communautés les plus défavorisées du pays.

Ces centres sont soutenus en partie par un financement du fonds à effet multiplicateur du GPE de 10 millions de dollars, qui a permis de mobiliser 47,19 millions de dollars supplémentaires pour soutenir les priorités du pays en matière d'éducation. Ceci illustre également la capacité du GPE à générer des financements et mobiliser des partenariats supplémentaires.

Les cofinanceurs incluent plusieurs fondations et associations locales : la Fondation Carlos F. Novella, la Fondation Sergio Paiz Andrade, IsraAID Guatemala, l’Association des ONG IsraAID Guatemala, O.B.A.D.I, ainsi que des ONG internationales (World Vision et Save the Children) et l’UNICEF, illustrant ainsi l’ampleur et la diversité des partenariats du GPE avec des acteurs locaux, nationaux et internationaux.

Les espaces numériques d’apprentissage initient les jeunes aux technologies, tout en restant étroitement liés au système éducatif.

Les contenus pédagogiques proposés sont en adéquation avec le programme officiel et viennent enrichir l’enseignement traditionnel, permettant ainsi aux élèves d’acquérir des compétences pratiques susceptibles de favoriser leur réussite scolaire ou de faciliter leur réintégration dans le système éducatif.

When learning sparks local change

L’éducation, moteur du changement local

À La Unión, dans le département de Zacapa, l’espace numérique d’apprentissage a suscité bien plus que l’apprentissage du numérique.

Préoccupé à l’idée que la poussière des routes non goudronnées puisse endommager les appareils, le maire a lancé un projet d’amélioration des routes.

Cette démarche s’est ensuite élargie permettant à la fois à une école voisine et au centre d’apprentissage de bénéficier de travaux d’amélioration.

Ainsi, une initiative née dans le cadre scolaire s’est transformée en catalyseur d’un engagement civique accru et d’améliorations durables au profit de l’ensemble de la communauté.

Un modèle basé sur les partenariats

Les espaces numériques d’apprentissage sont rendus possibles grâce à des partenariats solides : les collectivités locales mettent à disposition des locaux et des services, le GPE et l’UNICEF fournissent l’équipement et assurent la coordination, et le ministère de l’Éducation met à disposition du personnel formé et assure la supervision technique.

Le ministère veille également à ce que les cours soient alignés avec le programme d’éducation nationale, pour que les élèves puissent obtenir une certification formelle.

Pour de nombreux enfants et adolescents, le centre d’apprentissage numérique est leur premier véritable contact avec l’informatique. Bien que les téléphones portables soient courants, peu de jeunes ont l’occasion d’utiliser des logiciels éducatifs ou des plateformes en ligne.

Les centres pallient ces manques : ils proposent non seulement un accès à la technologie, mais aussi des conseils pratiques et la possibilité de développer une réelle confiance dans l’usage du numérique.

Teacher Eric Orrego helps a student at the Virtual Learning Environment

Le programme est inclusif et souple, et accueille des élèves déscolarisés, des jeunes revenus récemment au Guatemala, ou ceux ayant des difficultés à l’école.

En donnant accès à la technologie et en proposant des services gratuits, les centres constituent un moyen efficace de réengager les élèves en dehors du système scolaire formel, les incitant à réintégrer des programmes éducatifs traditionnels ou alternatifs.

En offrant un cadre souple et bienveillant, un apprentissage concret du numérique et la possibilité de suivre des cours supplémentaires en accès libre, dont certains étant certifiés par le ministère de l’Éducation, les centres donnent aux enfants déscolarisés des raisons tangibles de renouer avec l’éducation et, dans certains cas, de réintégrer le système d’éducation formel.

Aroldo Sosa

« Même si les espaces numériques d’apprentissage ne sont pas la solution [contre l’émigration], ils donnent de l’espoir et permettent de relever les attentes. Lorsque des opportunités se présentent et que les jeunes parviennent à faire en sorte que ça fonctionne, ils restent. »

Aroldo Sosa
Coordinateur départemental de l’éducation extrascolaire, Huehuetenango

Combler le fossé numérique de la jeunesse au Guatemala

Nés lorsque la crise éducative urgente a été mise en lumière par la pandémie de COVID-19, un moment où la plupart des enseignants et des élèves n’avaient ni les outils ni les compétences pour pouvoir enseigner ou étudier en distanciel, les espaces numériques d’apprentissage pavent aujourd’hui la route vers un système éducatif plus résilient.

Il ne s’agit pas de projets à court terme associés à un programme de financement ; ces centres font partie d’une vision à long terme ancrée dans les partenariats locaux.

Au Guatemala, il n’existe pas de service public gratuit équivalent aux environnements d’apprentissage virtuel : gratuit, de qualité et accessible à tous.

En comblant le fossé numérique et en répondant aux besoins des élèves vulnérables, ces centres permettent d’assurer une continuité de l’éducation, même dans les situations les plus difficiles.

Aroldo Sosa

« Certaines familles n’ont pas l’argent nécessaire pour pouvoir accéder aux autres centres numériques. Les espaces numériques d’apprentissage permettent aux jeunes de venir gratuitement et d’obtenir une certification reconnue par le ministère de l’Éducation. »

Aroldo Sosa
Coordinateur départemental de l’éducation extrascolaire, Huehuetenango
Building skills, creating futures

Acquérir des compétences et bâtir l’avenir

En dotant les jeunes des compétences numériques nécessaires pour se faire une place sur le marché du travail d’aujourd’hui (de l’utilisation basique d’un ordinateur à l’apprentissage d’outils comme Office ou Canva), ces centres d’apprentissage leur permettent d’imaginer un futur dans leur région.

Dans certaines communautés, les partenariats entre les entreprises locales et les centres établissent un lien direct vers l’emploi, en proposant des formations qui préparent les jeunes aux opportunités du monde professionnel.

À chaque clic, les élèves comme Meybelin gagnent des compétences leur permettant de s’épanouir dans leur propre communauté, leur évitant de devoir émigrer et leur ouvrant de nouvelles perspectives d’avenir où ils participent activement à leur communauté.

Crédits photos : GPE/Kelley Lynch

Août 2025

Cet article est aussi disponible en espagnol.