Plus qu'un simple repas : une leçon à l'heure du déjeuner sur le shokuiku japonais

Les programmes d'alimentation scolaire sont généralement considérés comme des outils visant à améliorer la nutrition et la scolarisation des enfants dans les milieux défavorisés. Mais au Japon, ils vont bien au-delà et leurs principes peuvent être adaptés à d'autres pays.

20 août 2025 par Marika Nomura, Japan International Cooperation Agency (JICA)
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Lecture : 4 minutes
Déjeuner servi à la cafétéria d'une école primaire de la préfecture de Nagasaki au Japon. Crédit : JICA

Déjeuner servi à la cafétéria d'une école primaire de la préfecture de Nagasaki au Japon.

Credit: JICA

Il est environ midi dans une école primaire de la préfecture de Nagasaki, au Japon. Les élèves enfilent leurs blouses blanches et leurs couvre-chefs assortis dans une salle de classe où règne une effervescence discrète.

Ils se répartissent en équipes et se déplacent sans hésiter entre le chariot à repas et les rangées de tables. Ce n'est pas uniquement le moment du repas de midi, c'est un moment d'apprentissage.

Ici, le déjeuner n'est pas servi dans une cafétéria. Il n'est pas non plus acheté dans un distributeur automatique.

Au Japon, le déjeuner à l’ecole, ou kyūshoku, est un rituel partagé, une leçon de nutrition.

Il témoigne de l'attention portée aux autres et favorise le sens des responsabilités à travers les interactions sociales. Il est au cœur de ce que les Japonais appellent le shokuiku, ou l'éducation alimentaire et nutritionnelle.

Qu’est-ce que le shokuiku ?

Le shokuiku (食育) est plus qu'un simple enseignement nutritionnel.

Défini par la loi japonaise de 2005 sur le shokuiku, ce concept désigne l'acquisition des connaissances, des compétences et des attitudes nécessaires pour faire des choix alimentaires sains, rester en bonne santé et comprendre la dimension culturelle et sociale de l'alimentation.

Il intègre l'éducation sanitaire, morale et physique, et n'est pas seulement enseigné dans les manuels scolaires, mais aussi à travers la pratique et l'expérience.

Riz aux châtaignes, soupe miso aux pommes de terre de la ferme Takeda, maquereau grillé au sel et aubergines frites marinées. Crédit : JICA

Riz aux châtaignes, soupe miso aux pommes de terre de la ferme Takeda, maquereau grillé au sel et aubergines frites marinées.

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JICA

Une leçon à l'heure du déjeuner

Dans la salle de classe, le menu du jour est composé de riz aux châtaignes, d'une soupe miso de pommes de terre de la ferme Takeda, de maquereau grillé au sel et d'aubergines marinées frites.

Une petite brique de lait vient compléter le plateau. Les ingrédients sont locaux et les saveurs traditionnelles.

Les élèves qui servent le repas sont appelés kyūshoku tōban, les chefs de service du déjeuner. Ils servent leurs camarades avec soin, amabilité et précision.

Une fois que tout le monde a son plateau, un élève s'avance devant la classe pour annoncer : « Remercions les personnes qui ont préparé notre repas. » Puis tous disent à l'unisson : « Itadakimasu ! », une expression traditionnelle de gratitude.

Pendant le repas, un diététicien explique d'où vient le maquereau, pourquoi le miso est fermenté ou pourquoi on sert des châtaignes aujourd'hui. Le repas est alors l'occasion d'éveiller la curiosité, la fierté culturelle et les connaissances nutritionnelles.

En coulisses : comment fonctionne le système

Le programme japonais de cantines scolaires est le fruit de plusieurs décennies d'efforts politiques intersectoriels, gérés par le ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, en collaboration avec les ministères de la Santé et de l'Agriculture et les autorités locales.

Il touche presque tous les enfants des écoles primaires et collèges publics du pays.

98,8 % des écoles primaires publiques et 89,8 % des collèges publics fournissent des repas scolaires.

Les repas sont soigneusement élaborés par des diététiciens agréés afin de répondre aux normes nutritionnelles spécifiques des élèves.

Les parents paient une contribution mensuelle (subventionnée pour les familles à faibles revenus), mais le principe est celui d'une prestation universelle et non d'une aide sociale ciblée.

Il est important de noter que les repas sont pris en classe, tous ensemble, ce qui renforce l'inclusion et l'égalité. Aucun enfant n'est laissé de côté.

Pourquoi cette approche est importante

Cette approche va au-delà de la simple alimentation : elle vise à créer des habitudes, à favoriser l'empathie et à enseigner le respect d'autrui.

Dans un pays où le taux d'obésité infantile est l'un des plus bas de l'OCDE et où l'espérance de vie est parmi les plus élevées, les repas scolaires ne sont pas seulement considérés comme un simple service, mais aussi comme une opportunité pédagogique.

Le shokuiku aborde également des défis sociétaux plus larges : le gaspillage alimentaire, la viabilité environnementale et le déclin des liens avec l'agriculture.

Les élèves visitent souvent des fermes locales ou participent à des potagers scolaires, bouclant ainsi la boucle entre production et consommation (« Chisan-Chisho », produits locaux, consommation locale).

Une élève explique comment plier un carton de lait à un fonctionnaire du gouvernement indonésien. Crédit : JICA

Une élève explique comment plier un carton de lait à un fonctionnaire du gouvernement indonésien.

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JICA

Des enseignements pour le monde entier

Dans de nombreux pays, les repas scolaires sont considérés comme une mesure de protection, un outil permettant d'améliorer la nutrition et la scolarisation dans les milieux défavorisés.

Le Japon apporte une perspective supplémentaire : les repas scolaires sont considérés comme une forme d'éducation, intégrée au rythme quotidien de l'apprentissage, contribuant non seulement à la croissance physique, mais aussi au développement social et éthique.

Si le Japon bénéficie d'infrastructures et de politiques solides, les principes du shokuiku peuvent être adaptés ailleurs.

En effet, la coopération japonaise (Japan International Cooperation Agency - JICA) travaille déjà avec des pays tels que la Mongolie, l'Indonésie et la Malaisie, en leur apportant un appui technique pour introduire des éléments de cette approche dans des contextes culturels différents.

Une dernière sonnerie, une leçon durable

De retour dans la salle de classe, le déjeuner est presque terminé. Les élèves empilent soigneusement leurs plateaux.

Le chœur final de « Gochisōsama deshita ! » (Merci pour le repas) retentit. Ce n'est pas une simple formule de politesse, c'est une leçon sur la gratitude, la santé et la responsabilité partagée.

Au Japon, le repas scolaire est bien plus qu'un simple repas. C'est le reflet de valeurs, un outil pour rester en bonne santé tout au long de la vie et une révolution silencieuse dans la manière dont nous éduquons les enfants, non seulement sur ce qu'il faut manger, mais aussi sur la manière de vivre.

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