Redonner du sens à l’efficacité de l’aide : l’apport des fonds communs alignés pour l’éducation

Comment les fonds communs alignés fonctionnent et offrent une voie concrète et durable vers un financement de l’éducation plus efficace, équitable et impactant.

02 juin 2025 par Rohen d’Aiglepierre, Agence Française de Développement, et Suvi Mellavuo Bonnet, Agence Française de Développement
|
Lecture : 4 minutes
Des élèves alignés dans leur salle de classe à l'école du Noma, à Maradi, dans le sud du Niger. Crédit : UNICEF/UN0535952/Dejongh

Des élèves alignés dans leur salle de classe à l'école du Noma, à Maradi, dans le sud du Niger.

Credit: UNICEF/UN0535952/Dejongh

Alors que l’architecture du financement international du développement fait l’objet d’un réexamen en profondeur, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et d’attentes croissantes à l’égard des systèmes éducatif, la question de l’efficacité de l’aide ne peut plus rester périphérique.

Ce qui pouvait autrefois être perçu comme un débat technique est désormais un enjeu stratégique, politique, et éthique central. La logique du « financer plus » a atteint ses limites - il est dorénavant indispensable de repenser les modalités du « financer mieux ».

Or, l’aide à l’éducation reste encore très majoritairement structurée autour de logiques projets, bien conçus, mais isolés et exécutés en silo.

Cette fragmentation des financements peut affaiblir les capacités des administrations publiques, diluer la redevabilité, et freiner les transformations systémiques indispensables à l’amélioration durable des systèmes éducatifs.

Fragmentation de l’aide : un diagnostic largement partagé

Vingt ans après la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, ses principes fondateurs – appropriation, alignement, harmonisation, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle – n’ont rien perdu de leur pertinence.

Pourtant, leur mise en œuvre reste marginale : dans le secteur de l’éducation, moins de 20 % des financements sont aujourd’hui mis en œuvre à travers des modalités véritablement alignées sur les processus administratifs et les ressources nationales, tandis que les approches fondées sur des projets continuent de dominer les pratiques.

Au niveau des pays partenaires, cette tendance tend à multiplier les unités de gestion de projets externes, les procédures parallèles, et les mécanismes temporaires. Elle mobilise des ressources considérables pour des actions à durée limitée, sans toujours s’inscrire dans les stratégies nationales.

De plus, elle fragilise les systèmes existants en leur substituant des dispositifs éphémères, difficiles à pérenniser et rarement intégrés dans les cadres budgétaires et réglementaires nationaux.

Les fonds communs alignés : une alternative crédible et opérationnelle

Face à ces limites, les fonds communs alignés de l’éducation offrent une alternative concrète et structurante. Conçus pour soutenir les politiques nationales à travers les systèmes publics existants, ils permettent de concilier objectifs de transformation et contraintes de mise en œuvre.

Ils incarnent concrètement l’alignement, d’abord sur les priorités nationales, mais surtout sur les procédures, règles et processus des pays partenaires. Le degré d’alignement, mesuré selon les sept critères du Partenariat Mondial de l’Education (GPE), est particulièrement élevé dans cette approche et distingue nettement les fonds communs des autres types de modalités.

L’approche par les fonds communs concrétisent également le principe d’harmonisation car elle permet à plusieurs bailleurs de regrouper leurs contributions dans un cadre unique avec des règles communes, déléguant l’exécution aux institutions nationales selon leurs propres règles et processus.

Le financement est ainsi planifié, exécuté et suivi dans le respect des dispositifs de gestion des finances publiques, renforçant la cohérence, la transparence et l’efficacité de la dépense.

Sur le continent africain, les fonds communs de l’éducation ont déjà fait preuve de cette force de ralliement avec 11 partenaires financiers au Mozambique, 8 au Niger, 6 au Burkina Faso, 3 à Madagascar et 3 en Guinée.

Pour les pays donateurs comme pour les pays partenaires, les coûts des transactions sont réduits et le dialogue simplifié, plus efficace et transparent grâce à une modalité concertée et collective.

Une élève en classe, à Fada, dans l'est du Burkina Faso. Crédit : UNICEF/UNI388482/Dejongh

Une élève en classe, à Fada, dans l'est du Burkina Faso.

Credit:
UNICEF/UNI388482/Dejongh

Une transformation progressive des pratiques

Les expériences montrent que les fonds communs alignés induisent une transformation graduelle et profonde des pratiques et des rapports entre partenaires : en intégrant les financements externes aux circuits de décision nationaux, les fonds communs alignés contribuent à renforcer les capacités institutionnelles, à mieux structurer le dialogue sectoriel et à favoriser une redevabilité partagée.

L’identification d’éventuels écarts des capacités et les mesures d’accompagnement et de remédiation se font d’une manière anticipée et concertée avec les administrations nationales.

Pour se faire, une assistance technique peut accompagner les fonctions essentielles d’une administration publique efficace.

Dans cette perspective, les fonds communs alignés visent à appuyer de manière ciblée la planification, la budgétisation, la passation des marchés, la gestion des finances publiques, les mécanismes de contrôle interne ainsi que le suivi-évaluation, dans une logique de renforcement progressif de l’autonomie et des capacités institutionnelles.

Les fonds communs alignés confient l’intégralité de la mise en œuvre aux ministères et services publics concernés. Ce principe repose sur un objectif central : favoriser une autonomisation progressive et durable des administrations nationales, condition essentielle pour renforcer la transparence, la qualité de la gouvernance et la maîtrise de la gestion des ressources publiques.

Des résultats tangibles à l’échelle nationale

Largement soutenus par le GPE, les fonds communs de l’éducation produisent aujourd’hui des résultats encourageants :

  • Au Niger, le fonds commun a permis de subventionner plus de 8 000 établissements scolaires en 2021, touchant près de deux millions d’élèves, dans le cadre d’un dispositif harmonisé à l’échelle nationale.
  • À Madagascar, le recours à la chaîne nationale de la comptabilité publique permet désormais de financer, à partir de ressources extérieures, l’ensemble des 33 000 établissements scolaires publics – du primaire au collège – une première historique dans le pays.
  • En Guinée, le fond commun a concrétisé le processus de décentralisation en finançant l’Agence nationale de financement des collectivités locales (ANAFIC), chargée de la réalisation des constructions scolaires du primaire, conformément aux orientations politiques. Ce dispositif s’appuie sur un cadre financier et opérationnel négocié entre les ministères concernés, marquant une avancée institutionnelle majeure dans la coordination interministérielle.

Ces exemples illustrent la capacité des fonds communs de l’éducation à soutenir des interventions à l’échelle nationale, y compris dans des contextes fragiles, tout en accompagnant la mise en œuvre de réformes structurelles.

En s’inscrivant dans les systèmes publics existants, ils permettent un financement plus équitablement réparti, cohérent avec les priorités des pays, et piloté par les institutions nationales.

Vers une relance stratégique de l’agenda de l’efficacité

La prochaine conférence de Séville sur le financement du développement (FfD4) offre une opportunité majeure pour remettre la question de l’efficacité au cœur du financement de l’éducation.

La transition vers des modalités d’aide plus alignées, mieux coordonnées et intégrant une meilleure redevabilité s’impose comme une exigence politique majeure pour améliorer l’efficacité de l’aide, restaurer la confiance, renforcer l’impact des financements sur les résultats éducatifs.

Les fonds communs alignés de l’éducation constituent un levier crédible pour conjuguer les impératifs de transformation structurelle avec les exigences de redevabilité et de la bonne gouvernance financière. Ils incarnent une coopération fondée sur le partenariat, la transparence, et le respect des institutions locales.

Repolitiser l’efficacité, réinvestir les systèmes nationaux

Il est temps d’assumer pleinement la dimension politique de l’efficacité de l’aide. Cela implique de sortir d’une logique d’intervention court-termiste, dont les effets restent limités tant sur le plan du développement que de l’influence, pour inscrire l’action internationale dans une approche plus cohérente, plus stratégique et davantage ancrée dans les dynamiques nationales.

Les fonds communs alignés pour l’éducation sont une illustration convaincante de la mise en œuvre de ces principes.

En soutenant les systèmes au lieu de les contourner, en consolidant les capacités au lieu de les substituer et en renforçant la coordination entre partenaires, les fonds communs alignés offrent une voie concrète vers un financement plus durable, plus équitable et plus efficace de l’éducation.

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Comments

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.